dimanche 18 septembre 2011

La situation de la langue française à Montréal, un débat inutilement alarmiste


Encore une polémique inutile. Nous avons le don au Québec de passer à côté de vrais enjeux et dépenser de précieuses énergies dans la marge.
Une nouvelle étude de l'Office québécois de la langue française (OQLF) vient de révéler que moins de la moitié des Montréalais parleront français à la maison d'ici 2031. Grande révélation devant l'éternel.

Pour commencer, c’est quoi ce concept de « langue parlée à la maison », un concept sympathique pour remplacer celui de langue maternelle. Le concept de langue maternelle comporte une certaine connotation d’exclusion alors que l’autre a l’air plus politiquement correct mais en réalité les deux donnent des résultats statistiques pas tellement différents. N’est-ce pas plus naturel de parler sa langue maternelle à la maison ? J’aurais aimé l’utilisation du concept de « la première langue officielle parlée » qui est plus inclusif et plus juste pour mesurer l’évolution du Français à Montréal.

Quelques données positives et encourageantes pour mitiger cette envolée de données alarmistes qui déchaînent les passions ces derniers jours.
Selon une étude du Conseil supérieur de la langue française (2008), 78% des immigrants connaissent le français en 2006, 68 % l’anglais, et 50 % les deux.
Selon les statistiques du Secrétariat à la politique linguistique, dans la Région métropolitaine de Montréal,
la population ayant le Français comme langue maternelle est restée plus ou moins stable entre 1971 et 2006 alors que l’Anglais a décliné de 21,7% à 12,5%, et ce même si les autres langues ont augmenté de 12 à 21,8%. Mais en même temps sur l’île de Montréal, la population de langue maternelle française a baissé de 61,2% à environ 50%. On ne peut expliquer cette baisse que par le fait que les Québécois de souche se sont repliés vers les banlieues pour trouver un meilleur cadre de vie. On les retrouve par centaines de milliers à Mascouche, Sainte-Thérèse, St-Bruno, Boucherville, etc.

Une autre statistique intéressante, le pourcentage d’Anglais parlant français a significativement augmenté de 57,2 à 68,6% alors que celui de Français parlant Anglais n’a augmenté légèrement que 50,6 à 54,7%. Il y a de quoi à être satisfait, belle retombée de la loi 101. En 2006, 10% de Québécois de souche sont trilingues alors 50,3% des Allophones le sont.
Le pourcentage de la population allophone étudiant en français au Québec (primaire et secondaire) est passé de 14,6% en 1971 à 81,5% en 2006. C’est ca le futur du Québec. Peut-on arrêter de nous écœurer avec  le concept de « la langue parlée à la maison » qui n’évalue pas avec justesse la vigueur et le progrès de la langue française au sein de la population immigrante du Québec.

Selon une enquête longitudinale de Statistique Canada auprès des immigrants en 2005.
Au Québec, 55 % des immigrants ont déclaré parler bien ou très bien le français six mois après leur arrivée, ce pourcentage grimpant à 73 % quatre ans après leur arrivée.
Pour ce qui est de la connaissance de l’anglais au Québec, on observe que 40 % des immigrants pouvaient le parler bien ou très bien six mois après leur arrivée, ce pourcentage passant à 54 % quatre ans après l’arrivée.

Si on utilise ce fameux concept de « langue parlée à la maison », on constate paradoxalement qu’une partie de la population québécoise de souche contribue au déclin de la langue française en l’abandonnant pour l’Anglais. Le phénomène des transferts linguistiques, c'est-à-dire le changement d'habitude dans l'usage d'une langue, sert à mesurer le taux d'assimilation d'un groupe. Ainsi, on compte 73 375 Québécois de langue maternelle française qui en 1986 ne le parlaient plus à la maison et 82 000 en 2001. Je n'ai pas encore trouvé le chiffre pour 2006 mais on remarque la tendance, des Québécois de souche "s'encrissent" de leur langue.

Selon le recensement 2006, alors que les immigrants allophones de longue date parlent l'anglais plutôt que le français (37%) à la maison, ceux arrivés depuis 1971 adoptent majoritairement le français. Parmi les allophones arrivés au pays entre 2001 et 2006, et qui parlent soit le français soit l'anglais le plus souvent à la maison, 75 % y parlent principalement le français. Cette proportion représente un sommet en regard des autres périodes d'immigration. Il y a eu un revirement de tendance significatif, à cause de la loi 101, de l'école française, de la composition de l'immigration. Il faut être de mauvaise foi pour ne pas voir là un bel avenir pour le Francais.

De quoi les Québécois ont-ils réellement peur? De la disparition de la langue française à moyen et long terme (ce qui est illogique, vu les tendances statistiques) ou plutôt de voir les Francophones de « souche » devenir minoritaires à Montréal (peur à connotation ethnocentrique) ? Il faut dire les vraies affaires et arrêter de mêler tout le monde avec des statistiques partielles et alarmistes. Il faut arrêter de présenter systématiquement et à tort les immigrants comme une menace. Ce n'est pas en tapant constamment sur ce clou que les Québécois vont passer à travers leurs peurs et leur problème de confiance. L’immigration seule n’est pas la cause du déclin de la langue française à Montréal. Oui, les tendances démontrent que les Francophones « de souche » vont être minoritaires à long terme à Montréal.  La sous-fécondité, l'étalement urbain et l'immigration contribuent inévitablement à la réduction de leur poids démographique. Mais cela n’implique pas nécessairement la disparition de la langue française. En réalité la proportion d’Allophones maîtrisant le Français ne cesse d’augmenter au fil des années et certains immigrants parlent même un Français de meilleure qualité que des Québécois de souche, sans que ce soit leur langue maternelle. Pourquoi s’accrocher donc  à ce concept de « langue parlée à la maison » pour analyser l’avenir de la langue française à Montréal ? Je ne peux pas parler le Français avec mes parents parce qu’ils ne la comprennent pas. Le Français n’est pas ma langue maternelle mais j’aime cette langue que j’utilise tous les jours au travail, dans mes activités à l’extérieur de la maison ou ailleurs. Et en termes de maîtrise de la langue, je peux dire, sans fausse modestie, que je n’ai rien à envier à la majorité des Québécois de souche.

Si le Français tient tellement à cœur aux Québécois et que c’est une priorité d’assurer sa pérennité par rapport à tous les autres défis de la nation, voici des suggestions très pratiques à considérer :
- Investir dans l’amélioration des compétences linguistiques auprès des Québécois de souche. Selon des chiffres récents,  la moitié des adultes au Québec ont de faibles compétences en lecture et une piètre maîtrise de langue française.
- Renforcer les ressources de francisation des immigrants ne parlant pas le Français à leur arrivée au Québec.
- Limiter l’immigration provenant des pays asiatiques (Chine, Inde, Pakistan) et des pays de l’Amérique latine. La majorité des immigrants ne parlant pas français à leur arrivée au Québec provient de ces pays. Malheureusement l'Asie et l'Amérique latine resteront un grand réservoir d'immigration dont les habitants continueront d'ignorer un peu le français.
- Privilégier l’immigration provenant des pays francophones avec "le risque" d’avoir plus d’Haïtiens, d’Algériens, de Marocains, de Vietnamiens, de Libanais, de ressortissants d’Afrique subsahariens. Il faut être cohérent, Québec contribue avec les autres pays francophones à la consolidation de la Francophonie à l’international comme une façon d’améliorer la position du Français face à l’Anglais. Malgré tout le feuilleton des accommodements raisonnables et autres problèmes d’intégration, les Québécois vont devoir faire le choix difficile entre le déclin de la langue française à long terme et l’ouverture à des cultures complètement différentes avec lesquelles ils n’ont pas grande chose en commun à part cette belle langue française.

Pour conclure, il est important d’avoir une vision globale de la situation et surtout d’éviter les solutions hâtives, simplistes et déconnectées de la réalité telles que la proposition du Parti Québécois qui prône une réduction du nombre d’immigrants comme solution au déclin du Français à Montréal. Ca ne règlerait rien et mieux c’est une bonne façon de remplacer un problème par un autre, les défis du Québec ne se limitant pas seulement à la prépondérance de la langue française sur l’Île de Montréal. Le député Yves-François Blanchet, porte-parole en matière d'immigration et de langue du P.Q n’a certainement pas pris le temps de lire tous les rapports de l’OQLF sinon, il aurait pu éviter cette sortie ridicule, opportuniste et pompeusement électoraliste.

1 commentaire:

  1. Comme des milliers d’immigrants récents, je défends la langue française et ce n’est pas en contrepartie d’une dette envers le Québec. En venant ici, j’ai payé mes études au moins 3 fois plus cher que l’étudiant québécois. Je suis devenu résident permanent, puis citoyen canadien. Je travaille et je paie mes impôts depuis 7 ans, sans avoir une seule fois bénéficié d’une aide sociale, je n’ai pas de médecin de famille mais j’aime ce coin de pays. C’est ca aussi, le profil de l’immigrant, nouvelle génération. Pourtant, je n’aime pas la façon dont on aborde des problèmes linguistiques au Québec. Des milliers comme moi ne sont pas comptés dans les stats favorables à la vitalité de la langue française à Montréal parce que ce n’est pas notre langue maternelle. Ouain ! C’est complètement ridicule, puérile et une insulte à tous ces gens qui ont adopté le Français comme langue officielle au détriment de leur propre culture. C’est comme dire : vous parlez bien français mais vous êtes une menace pour notre langue parce que vos parents ne la parlent pas. Dans cette logique, mieux virer vaut virer tous les immigrants (italiens, grecs, asiatiques, Europe de l’Est inclus) et fermer les frontières.

    Shad Binazo

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