samedi 24 mars 2012

L'aide internationale canadienne finance indirectement des multinationales minières !


L’article ci-dessous de Cyberpresse parle du nouveau virage de l’aide internationale qui permet de financer indirectement des multinationales minières. En réalité, il n’y a rien de nouveau dans ce virage. Dans le fond, l’aide internationale a toujours profité d’abord aux entreprises privées des pays donateurs avant les populations des pays en développement. La seule différence dans la nouvelle orientation de l’aide canadienne est dans la forme (association plus directe entre des ONG et des minières) et dans le fait que l’ACDI affiche clairement ses ambitions et ne cache plus la finalité de l’aide sous une couche épaisse de bons sentiments. Il faut d’abord et avant tout que l’aide canadienne soit rentable, rapporte des dividendes pour le Canada. Voilà qui est très clair.


Les ONG de coopération internationale risquent-elles de perdre leur âme en s'associant avec des entreprises minières canadiennes à l'étranger? L'argent de l'ACDI doit-il être versé à des projets qui pourraient profiter à des sociétés qui brassent des milliards? Le virage amorcé l'automne dernier par la ministre Bev Oda repose sur un mariage contre nature, disent les critiques. Mais ceux-ci ne font pas l'unanimité. Deux conférences se pencheront sur cette controverse, la semaine prochaine, à Montréal. Coup d'oeil sur un gros malaise.
Il y a un mois, Dave Toycen, président de Vision Mondiale Canada, a reçu une lettre signée par Miguel Palacin, leader d'un réseau de défense des droits des autochtones en Amérique latine.
Après les salutations d'usage, Miguel Palacin enlève ses gants blancs. «Les minières canadiennes ont une mauvaise feuille de route dans nos pays, où des entreprises comme Barrick Gold ont causé plusieurs problèmes en s'appropriant des terres, en détruisant des ressources aquatiques, et en ignorant plusieurs droits internationaux», accuse-t-il.

Une poignée de projets sociaux ne permettra pas aux sociétés minières de réparer leurs dégâts, poursuit le militant. Puis, il demande à Vision Mondiale de cesser sa collaboration avec Barrick Gold, à Quiruvilca, petit village minier du Pérou.
Pas question, réplique Harry Kats, responsable des questions minières pour Vision Mondiale. Car aux yeux de cette organisation humanitaire, il n'y a rien de mal à marcher main dans la main avec des entreprises minières. Et ce, même si les activités de Barrick Gold ont causé quelques grincements de dents à Quiruvilca. Encore en février, des manifestants y protestaient contre le nouveau projet d'extraction de Laguna Sur.
«Nous croyons que c'est en travaillant avec ces sociétés que nous les inciterons à améliorer leurs pratiques et à mieux respecter les droits de l'homme», assure Harry Kats.

C'est aussi ce que pense la ministre Bev Oda, qui veut associer le secteur privé au développement international. Coup d'envoi de la nouvelle politique: trois projets pilotes arrimant des minières canadiennes à des ONG, annoncés en septembre.
Jusqu'à maintenant, de telles collaborations étaient rares, mais pas inédites. Ce qui est nouveau, c'est qu'elles soient financées par l'ACDI. Montant total pour l'expérience pilote: 6,7 millions. La plus grosse part du gâteau va à un projet de Plan Canada et IAMGOLD, au Burkina Faso. Vision Mondiale avec Barrick Gold, au Pérou, et Entraide universitaire mondiale avec Tio Tinto Alcan, au Ghana, se partagent le reste de la cagnotte.

Et ce n'est qu'un début. L'ACDI a déjà réservé une vingtaine de millions à d'éventuels projets en Amérique latine, tandis qu'une fondation philanthropique mise sur pied par des sociétés minières, Lundin for Africa, recevra 4,5 millions pour des projets de développement économique au Sénégal, au Mali et au Ghana.
«Notre gouvernement veut rendre l'aide internationale plus efficace, et cela implique que l'on explore de nouvelles approches, exploitant l'expérience du secteur privé», écrit la ministre Bev Oda.
Mais à qui profiteront vraiment ces projets? demandent les sceptiques. Aux communautés concernées? Ou aux entreprises, qui y gagneront une meilleure réputation, et peut-être même des subventions indirectes?

Les voix critiques
Plan Canada et IAMGOLD s'apprêtent à fournir de la formation technique à plus de 6000 jeunes au Burkina Faso, pays frappé par un chômage endémique.
Les nouveaux centres de formation seront établis à des centaines de kilomètres de la mine d'or d'Essakane, exploitée par IAMGOLD, assure la PDG de Plan Canada, Rosemary Carney: pas question de faire financer par l'ACDI la formation de futurs employés de la mine.
Le patron de IAMGOLD, Steve Letwin, n'est pas aussi formel. «Oui, nous pourrons embaucher certains des participants du projet dans notre mine. Quand on peut offrir de la formation et des emplois, ça profite à tout le monde.» Le projet de formation prévoit d'ailleurs 500 stages en entreprise, y compris dans le secteur minier.
Si l'argent de l'ACDI sert à financer la formation de futurs employés de la mine, «c'est très douteux», dénonce Stephen Brown, de l'Université d'Ottawa.
Selon ce spécialiste de la coopération internationale, les nouvelles liaisons ONG-minières comportent des risques. Quand elles sont ancrées dans la communauté directement touchée par l'exploitation minière, comme c'est le cas au Pérou, elles permettent à l'entreprise «d'acheter la bonne volonté d'une communauté.»
«Mais est-ce que les projets répondent aux besoins du pays ou à ceux des minières?»
Les nouveaux projets «peuvent être facilement vus comme des subventions indirectes à des sociétés qui font des milliards de profits», renchérit Chantal Havard, présidente du Conseil canadien pour la coopération internationale - organisme parapluie qui représente les ONG de développement international.
Le Conseil marche sur des oeufs. Certains de ces membres n'ont pas la faveur de l'ACDI. Leurs subventions ont littéralement fondu. Au Québec, un organisme comme Développement et Paix a perdu plus des deux tiers de son financement. Mais d'autres profitent de la nouvelle manne de l'ACDI. Et sont prêts à prendre le train des sociétés minières.
«Oui, le secteur privé a un rôle dans le développement international, convient Chantal Havard. Mais pourquoi favoriser les multinationales? Pourquoi pas le secteur privé dans les pays en voie de développement?»
«Nous voulons bien discuter de la nouvelle approche, mais nous ne voulons pas la cautionner», dit Gervais L'Heureux, directeur de l'Association québécoise des organismes de coopération internationale.
Il déplore l'absence de balises pour s'associer avec le secteur privé. «Le problème, c'est que l'argent public risque d'aider les entreprises à avoir une meilleure image. Et les ONG risquent d'y perdre leur crédibilité.»

Les voix en faveur
Mais si de bons projets améliorent l'image des sociétés, où est le mal? demande Pierre Gratton, président de l'Association minière canadienne. Il s'étonne que des gens critiquent la nouvelle approche d'Ottawa: «Je trouve ça curieux. Ils aimeraient mieux qu'on ne fasse rien du tout?»
M. Gratton fait valoir que les entreprises minières ne profitent pas financièrement de ces nouveaux partenariats. «Nos coûts d'extraction restent les mêmes. Et ce n'est pas l'ACDI qui nous subventionne, mais nous qui subventionnons l'ACDI», ajoute-t-il, faisant allusion aux deux millions que les sociétés minières ajouteront aux trois projets pilotes annoncés en septembre.
«Les compagnies minières ont des ressources, et ce serait une honte de ne pas les utiliser pour appuyer le développement durable», dit Philip Oxhorn, politicologue à l'Université McGill.
M. Oxhorn doit participer à une conférence sur la responsabilité minière la semaine prochaine, à l'Université McGill. Il n'est pas prêt à donner le Bon Dieu sans confession aux sociétés minières. «Nous devons être réalistes. L'industrie minière a besoin d'incitatifs pour faire ce qu'elle devrait faire par elle-même. Mais nous ne vivons pas dans un monde idéal», dit-il avec pragmatisme.
Les trois ONG qui ont accepté le pari de Bev Oda défendent leur engagement bec et ongles. «Ces partenariats offrent une occasion importante (...) d'améliorer de façon significative la vie de gens touchés par l'exploitation minière», écrivent-elles dans une lettre parue fin janvier dans le Globe and Mail.
Mais à Plan Canada, Rosemary Carney avoue se sentir un peu «nerveuse» en se lançant dans le projet avec IAMGOLD. Elle rappelle que celui-ci a exigé trois ans de discussions et que l'entreprise minière a dû montrer patte blanche: ses pratiques ont été passées au peigne fin.
«On ne peut pas présumer que tout ça va échouer avant d'avoir essayé!»
Même tergiversations du côté de Vision Mondiale. Mais Caroline Riseboro, vice-présidente aux Affaires publiques, reconnaît que le mariage avec Barrick Gold est une liaison dangereuse. «Nous y risquons notre réputation.»

Un sujet chaud
> Lundi, l'Association québécoise des organismes de coopération internationale (AQOCI) tient une journée de réflexion sur le virage privé de l'ACDI et les mariages entre les organisations humanitaires et les sociétés minières.
> Jeudi et vendredi, la responsabilité sociale des sociétés minières fera l'objet d'un colloque à l'Université McGill.

Le virage en chiffres

6,7 MILLIONS
Annoncés en septembre, trois projets de partenariat entre des sociétés minières et des organismes de coopération internationale recevront au total 6,7 millions de l'ACDI, étalés sur 5 ans.
***
5,7 MILLIONS
Un projet de Plan Canada et de la minière IAMGOLD, au Burkina Faso, recevra la plus grosse part du gâteau, avec un investissement de 5,7 millions. Objectif : formation professionnelle dans différents domaines, y compris le secteur minier.
500 000$
Un projet de Vision Mondiale et de la minière Barrick Gold, au Pérou, recevra 500 000$, pour aider à la création d'emplois dans la communauté.
500 000$
Un projet de l'Entraide universitaire mondiale et de la compagnie Rio Tinto Alcan, au Ghana, recevra 500 000$. Objectif : diversifier l'économie locale.
2 MILLIONS
Contribution des minières à ces 3 projets.
***
20 MILLIONS
La ministre Bev Oda a aussi annoncé un fonds de 20 millions, pour une Initiative régionale andine. L'ACDI administrera ce fonds en partenariat avec des organisations locales qui peuvent inclure des sociétés minières et des ONG. Aucun projet précis n'a encore été annoncé.
***
4,5 MILLIONS
En décembre, la ministre Oda a annoncé l'octroi de 4,5 millions sur 5 ans à la fondation Lundin For Africa le bras philanthropique du consortium minier Lundin, pour aider 30 petites entreprises au Ghana, au Sénégal et au Mali.
***
TOTAL
31,2 MILLIONS
Investissement total dans ces projets où l'ACDI s'associerait à des sociétés minières.

1 commentaire:

  1. Il y a deux fléaux principaux qui tuent l’Afrique et ralentissent son développement : la corruption et l’hypocrisie internationale.
    1- La corruption et l’incurie de ses dirigeants africains
    Depuis les indépendances des pays africains dans les années 60, les intellectuels africains qui ont de grands rêves pour leur continent n’ont jamais réussi à prendre le pouvoir durablement dans leurs pays. Ces gens là ont été éliminés et depuis, ont pris le relais à la tête de ces pays, des pantins militaires ou civiles formés par les ex-colons qui ont plongé leur pays dans les ténèbres de la pauvreté. La plupart de ces dirigeants, que quelqu’un a surnommé « intellectuels tarés », ont fait 20, 30 et 40 ans au pouvoir, ont instauré des systèmes de corruption du bas jusqu’au sommet de l’État sans être inquiétés par les pays occidentaux qui faisaient des affaires en or avec eux.
    2- L’hypocrisie des pays occidentaux
    C’est quoi l’idée d’envoyer de l’ « aide au développement » par le biais de l’État dans un pays dirigé par un dictateur au pouvoir depuis 30 ans ? Si ces dirigeants n’ont pas hésité à transformer les caisses de leurs États en portefeuille personnelle (on parle de centaines de millions, voire de milliards envoyés dans les banques suisses), pourquoi gèreraient-ils l’aide internationale autrement?
    La réalité est que ce qu’on appelle « aide au développement » est une arnaque. On aide personne, surtout pas les populations pauvres. C’est un leurre monumental car la réalité n’a rien à voir avec le discours officiel. Le pays donateur s’aide d’abord avant tout. C’est un sujet hautement tabou. Quand j’étais aux études en développement international, on parlait ironiquement du business de la pauvreté. Selon les spécialistes, chaque 1$ investi en aide internationale engendre des retombées de 2 à 4$ pour le pays « donateur ». Les dirigeants occidentaux préfèrent parler des milliards déversés en Afrique qui ne donnent pas de résultats et cela nous aide à voir une certaine bonne conscience. Une infirme portion de cette aide parvient réellement aux populations démunies visées.
    En réalité, l’aide sert essentiellement à défricher le terrain aux entreprises occidentales qui vont piller les ressources des pays en développement, ou mieux à éteindre le feu (conflits, guerres) provoqué par les agissements de ces entreprises (minières, pétrolières, fabricants d’armes). Pour donner une image encore plus humaine au système, on embarque la population dans ce méga-mensonge de compassion internationale à travers les ONG qui nous quêtent nos quelques piasses afin de nous purifier la conscience.

    L’aide internationale, c’est essentiellement pour garantir les emplois des ONG, des entreprises occidentales qui accompagnent chaque projet financé (aide liée). Un exemple proche de nous : les pays de concentration de l’ « aide canadienne » dans la planification stratégique débutant en 2004 (je n’ai pas lu la dernière), sont pour la plupart des pays où des multinationales canadiennes ont de gros contrats ou les grandes minières canadiennes exploitent des ressources minières. Et pourtant, les critères officiels du choix des pays sont : démocratie, bonne gouvernance, droits de la personne, etc. Et retenez que le Canada n’est qu’un agneau dans ce monde de charognards et de vautours. Les entreprises canadiennes sont les moins agressives sur le terrain, n’ayant pas la longue expérience de pillage que possèdent les pays européens ex-colonisateurs.
    Personnellement, je n’ai rien contre l’idée de porter secours à des pays touchés par des catastrophes naturelles (l’humanitaire). Au-delà de cela, l’Afrique n’a pas besoin d’aide. Investir en Afrique, acheter ses immenses ressources naturelles à des prix équitables et aider le secteur privé à développer des industries locales et à avoir accès aux marchés occidentaux. C’est la seule voie du développement.

    RépondreSupprimer

N'hésitez pas à laisser vos commentaires ici. Oui au débat d'idées, tolérance zéro pour les injures et attaques personnelles.